Liberté à Brême
de Rainer Werner Fassbinder
Texte français Philippe Ivernel
Jeu
Geesche Gottfried Magdalena Czartoryjska Meier
Miltenberger, Gottfried, Zimmermann, Bohm Fabien Ballif
Timm, Johann, Rumpf Mario Barzaghi
Mère, Louisa Maurer, Père Marc Valérie Liengme/pour la tournée 2007 Ariane Christen
Mise en scène Denise Carla Haas
Scénographie Estelle Rullier
Construction du décor Frédérique Vidal
Costumes Tania D’Ambrogio
Lumière Christophe Kehrli
Musique Nicolas Bonstein
Dramaturgie Corinne Martin
Collaboration à la dramaturgie Adrian Blaser
Collaboration au programme Elias Schafroth
Assistanat à la mise en scène Zina Balmer
Stagiaire Magalie Dougoud
Administration et communication Line Lanthemann
Photographies Maurice Haas
Graphisme Jonas Marguet
Dates
Du 10.01.2006 – 29.01.2006 au Théâtre 2.21, Lausanne
Du 02.02.2006 – 03.02.2006 au Théâtre Le Pommier, Neuchâtel
Du 21.02.2007 – 25.02.2007 au Théâtre Le Galpon, Genève
Le 03.03.2007 au Théâtre L'Arbanel, Treyvaux / Fribourg
Le 05.03.2007 au Theater Winterthur, Winterthur
Subventions
Corodis
Interpretenstiftung
La Loterie Romande, Genève
La Loterie Romande, Lausanne
La Loterie Romande, Neuchâtel
Migros pour-cent culturel
Pro Helvetia fondation suisse pour la culture
Stiftung der Schweizerischen Landesausstellung 1939 Zürich
Ville de Lausanne
Presse
Le Matin 10.01.2006
L’énigme d’une femme inconvenante. Qui a raté son entrée dans le moule. Et qui est incapable de se passer d’une liberté qui cependant est interdite d’accès, puisqu’elle passe par le meurtre. . . Une pièce troublante de Rainer Werner Fassbinder, mise en scène par Denise Carla Haas, et interprétée par le Théâtre L. au Théâtre 2. 21, Lausanne, du 10 au 29 janvier, ma, ve et sa à 20 h 30, me et je à 19 h, di à 18 h, loc. 021 311 65 14.
24 heures Région Lausannoise 11.01.2006
Le théâtre 2. 21 présente une pièce de l’auteur allemand Rainer Werner Fassbinder. Liberté à Brême raconte l’histoire d’une femme qui se révolte progressivement contre les emprises sociales, familiales, amicales, matrimoniales et qui tue tous les gens qui l’entourent et la contrarient dans ses actes et son bien-être. Théâtre 2. 21, rue de l’Industrie 10, 1005 Lausanne. Renseignements et réservation: 021 311 65 14 ou contact@theatre221.ch
L'Hebdo 19.01.2006
Les rendez-vous de l'Hebdo / théâtre / Liberté à Brême / Expressionniste Subversive et grinçante, telle est la vision du monde de Rainer Werner Fassbinder qui, dans Liberté à Brême, expose la détermination d'une jeune femme à s'arracher la liberté de vie qu'elle mérite. Coûte que coûte. Face aux reproches, aux accusations quant à un devoir de conformité, le crime apparaît soudain pour cette jeune femme ( Magdalena Czartoryjska Meier, ici avec Fabien Ballif) en avance sur son temps comme la seule issue. Quand les mots ont échoué, que reste-t-il? Sur une toile expressionniste, où tout éclate dans une lumière tranchante, Denise Carla Haas orchestre avec assurance cette mécanique répétitive de la liquidation. Manque cependant un certain ressort, et parfois de la profondeur, à cette spirale qui perd en intensité en cours de route.
Lausanne. Théâtre 2.21. Jusqu'au 29. Rens. 021 311 65 14.
Neuchâtel. Théâtre du Pommier. Les 2 et 3 février. Rens. 032 725 05 05
24 Heures 14.01.2006
Excellente réalisation de Liberté à Brême au 2.21 à Lausanne
Le poison tonique de Fassbinder
Violence expressionniste de la mise en scène de Denise Carla Haas
Rainer Werner Fassbinder n’aura pas atteint l’âge de la retraite (il est mort de tous ses excès en 1987), mais le soixantième anniversaire de la naissance de ce rebelle, en 2005, a été l’occasion d’hommages illustrant l’actualité toujours vive de son regard à la fois radical, sur la société, et plus qu’amical sur le sort des victimes de tous les pouvoirs. Dans Liberté à Brême, ainsi, c’est à la condition d’une femme asservie ou infantilisée, en la personne de Geesche Gottfried, qu’il s’intéresse, développant une observation à la fois schématique et pertinente par la foison de ses notations, au fil d’une ligne dramatique dont le mécanisme répétitif pourrait lasser s’il n’était empreint du plus grinçant humour noir. En résumé, la ‘pauvre’ Geesche tue successivement tous ceux qui la rabaissent, l’humilient ou l’empêchent de respirer et d’aimer, jusqu’à se supprimer finalement comme pour dire que même tuer ‘n’est pas une vie’.
Loin d’être une pièce majeure, Liberté à Brême ne se borne pas pour autant à une thèse, et la meilleure preuve en est donnée par les quatre comédiens réunis et dirigés par Denise Carla Haas, qui restituent parfaitement le jeu cruel des relations liant Geesche (Madalena Czartoryjska Meier, tout à fait remarquable d’intensité et de précision) à son premier rustre de mari (Fabien Ballif, également impressionnant de justesse dans ses divers rôles), le faux-cul doucereux qui lui succède et qu’anime un sordide intérêt, ou son père maxi-macho et son frère qui ne l’est pas moins (Mario Barzaghi, excellent lui aussi), sa mère bigote et enfin sa perfide amie (Valérie Liengme, pas moins bonne que les autres). Dans un dispositif d’Estelle Rullier accordé à la stylisation de la ‘lecture’, la mise en scène de Denise Carla Haas évite le réalisme pour accentuer la violence expressionniste et instille le ‘poison’ tonique du texte de Fassbinder, qui nous rappelle que la liberté vaut quelques petits sacrifices…
Jean-Louis Kuffer
Le Courier 14.01.2006
Le Théâtre L. présente Liberté à Brême de Fassbinder, drame d’une jeune femme écartelée entre les attentes de ses proches et son besoin de liberté
Du poison dans le café pour s’émanciper
Disposés face à face, deux chaises sont séparées par une table. Une lampe surplombe l’espace et dans un coin de la scène, les écarts entre les planches d’une paroi boisée ouvrent sur une cuisine. Le décor de la dernière pièce du Théâtre L. s’inscrit dans un espace scénique sobre et harmonieux. Le drame qui s’y joue n’en est que plus percutant.
Mardi soir au Théâtre 2.21, la compagnie présentait la première de Liberté à Brême, pièce de Rainer Werner Fassbinder mise en scène par Denise Carla Haas.
Geesche – campée par une Magdalena Czartoryjksa Meier remarquable – évolue au gré de tableaux successifs en quête d’amour, de reconnaissance et surtout de liberté. La jeune héroïne « qui pense trop pour une femme » hésite entre désirs et les attentes de ses proches. Ecrasée par les attentes de ses proches, Geesche finit par les assassiner, les uns après les autres, à coup de poison bien dosé dans leur tasse de café. Le malaise de cette femme exprime celui de tout un chacun, en quête de bonheur immédiat, mais toujours en butte de ses codes, ses règles et ses idées reçues – sur la religion, le travail, le mariage, l’obéissance…
Malgré un texte qui semble parfois récité, ou plutôt déclamé, et une légère confusion entre les personnages joués pour certains par les mêmes comédiens, une atmosphère captivante monte des planches et enveloppes les spectateurs. Des scènes plus lentes sont intercalées entre les ébats virulents de Geesche avec ses proches. Moments suspendus alimentés par une musique aux consonances atmosphériques, ces scènes invitent au voyage intérieur : souvenirs, sentiments et émotions remontent alors à la surface.
Julie Liardet
Dare-dare, Swissinfo, 14.01.2006
Série de meurtres… au théâtre
Avant Neuchâtel et Genève, Denise Carla Haas présente à Lausanne Liberté à Brême de Rainer W. Fassbinder
La metteuse en scène romande, qui travaille dans le off, poursuit une femme criminelle. Sans effusion de sang.
En ce mois de janvier, difficile de s’égailler dans les rues glaciales de Lausanne à la sortie d’un spectacle lui aussi glaçant. Liberté à Brême n’est as une pièce qui vous envoie au lit tranquillement et apaisé.
Et ce n’est pas le cœur léger que l’on applaudit les comédiens venus saluer le public à la fin de la représentation. D’abord parce que cette pièce de Rainer W. Fassbinder, que met en scène Denise Carla Haas au Théâtre 2.21, est effrayante.
Ensuite parce que son interprète principale, Magdalena Czartoryjska Meier, a du mal à convaincre dans le rôle de Geesche, une femme meurtrière.
Du fait divers au mythe
Pour écrire ce rôle, Fassbinder s’est appuyé sur un fait divers consigné dans les archives de la cour de Brême. A cette source d’inspiration sont venues probablement s’ajouter les références mythiques qui hantent l’esprit de tout grand auteur.
L’histoire donc en deux mots. Geesche Gottfried, femme d’abord opprimée, croit gagner sa liberté en tuant son mari, ses enfants, sa mère, son amant, son père. Il n’est donc pas interdit de penser ici à Médée ou aux grandes héroïnes de Hendrik Ibsen – Hedda Gabler par exemple – dont Geesche pourrait être la descendante. Sauf qu’ici Fassbinder n’écrit pas en moraliste et encore moins en idéologue. Il n’est ni féministe, ni anti-féministe, comme certains le pensent.
L’auteur ne jette pas la pierre sur cette mère criminelle. Il ne l’innocente pas non plus. Il se place tout simplement en observateur d’une réalité crue où femmes et hommes sont, au même titre, des victimes coupables.
La parodie plutôt que le drame
Il est à la limite cynique, Fassbinder. Et cette ‘liberté’ revendiquée dans le titre de sa pièce demeure cruellement sans espoir. Mais jamais, et c’est là le problème du spectacle, jamais ce désespoir ne semble traverser la comédienne Madalena Meier. Son désarroi est physique. Ses faits et gestes se traduisent dans une tension du corps permanente qui frise la neurasthénie. Et l’on attendra en vain qu’elle soit inquiète et inquiétante.
Pour être honnête, on ajoutera qu’une note juste se dégage malgré tout de ce spectacle que la metteuse en scène a voulu caricatural. De fait, à chaque crime commis, Geesche abat une institution de la société : le mariage, Dieu, la famille…
Autant d’autorités morales sur lesquelles Fassbinder tire. La criminalité de son héroïne est trop mécanique, trop systématique pour ne pas être suspectée de persiflage. Mais le spectacle ne retient, hélas, que cette dimension parodique. La dimension humainement tragique reste quant à elle complètement occultée.
Ghania Adamo
Femina 29.01.2006
Serial-killeuse subversive
C’est l’histoire d’une femme en révolte contre la société, au point de tuer tous ceux qui l’empêchent de tourner en rond. Comme on aime les pièces qui osent tout haut les questions qu’on se pose tout bas, on vous conseille de voir Liberté à Brême de Fassbinder. La mise en scène est de Denise Carla Haas.
GHI 14-15.02.2007
Liberté à Brême. L'histoire d'une révolte violente contre les emprises sociales et familiales.
L'action se joue en 1820 à Brême et raconte l'histoire d'une femme qui se révolte doucement contre les emprises sociales, familiales, amicales, matrimoniales au point de tuer tous les gens qui l'entourent et la contrarient dans ses actes et dans son bien-être.
Oeuvre subversive
Fondée, au théâtre comme au cinéma, sur l'exploration du fascisme ordinaire, de l'aliénation féminie, de la discrimination racioale et culturelle, des tabous sexuels, de la différence et de l'exclusion, l'oeuvre de Rainer Werner Fassbinder est probablement l'une des plus aiguës et des plus subversives que compte l'Allemagne de l'après-nazisme et l'Europe de l'après-1968. Liberté à Brême, de Rainer Werner Fassbinder au théâtre du Galpon, du 21 au 25 février. Renseignements www.theatre-l.ch
Femina 25.02.2007
Meurtres en série
/ De victime, une femme devient bourreau. Discrètement, elle commet des meurtres à la chaîne. Parce qu'elle n'arrive pas à dialoguer avec les autres ou simplement parce que ça lui plaît. C'est en tous les cas sa seule réponse à son désir de liberté. Sur un mode proche de la comédie, Le Théâtre L. présente Liberté à Brême de Rainer Werner Fassbinder, dernière ce soir à Genève, avant Fribourg et Winterthour. Genève, Théâtre Le Galpon, 17h. Tél. 022 321 21 76.
Véronique Krähenbühl
Edelweiss mars 2007
Liberté à Brême
/ Radiographie du meurtre / Le Théâtre L / Essaie d'expliquer le monstrueux en se partageant à quatre une dizaine de personnages qui entourent une mystérieuse femme dans la Brême du XIXe siècle. Liberté à Brême de Rainer Werner Fassbinder. DU 21 au 25 février au Galpon à Genève, 022 321 21 76; le 3 à Treyvaux (FR) théâtre de l'Arbanel, 026 350 11 00; le 5 au Theater Winterthur. 052 2676 66 80.
Virgine Otth, Yves Petit
La Liberté 01.03.2007
La liberté par l'élimination
L'Arbanel / Denise Haas, du Théâtre L. / met en scène le personnage de Geesche Gottfried / héroïne de Liberté à Brême de Rainer Fassbinder.
L'Arbanel de Treyvaux accueille samedi une pièce lourde de sous-entendus et de non-dits. Liberté à Brême est un texte de Rainer Fassbinder, dramaturge et cinéaste allemand, à la carrière fulgurante - il a tourné une quarantaine de films jusqu'à sa mort, à 37 ans, en 1982 - et à la vie tumultueuse. Considéré comme un génie, archétype de l'artiste maudit qui brûle la chandelle par les deux bouts, il a livré des oeuvres denses, violentes, controversées parfois.
Comme d'autres grandes oeuvres de Fassbinder, Liberté à Brême (1971) met en scène un personnage fort de femme. Mais Geesche Gottfried n'a rien d'une héroïne. Issue d'un milieu de commerçants, elle est à l'origine d'un fait divers sordide, dont s'est inspiré Fassibnder. Nous sommes à Brême, en 1820. Geesche Gottfried empoisonne quinze personnes. D'abord parce qu'elle ne trouve pas d'issue de secours. Puis systématiquement.
Metteure en scène, fondatrice avec Corinne Martin du Théâtre L., Denise Carla Haas n'a pas eu peur de se confronter à ce personnage extrême, dont elle a confié le rôle à Magdalena Czartoryjska Meier, aux côtés de Mario Barzaghi, Ariane Christen et Fabien Ballif. "Si je peux créer un petit choc, c'est bien. Cela aura servi à poser des questions. Mais je ne le fais pas pour choquer", précise-t-elle.
Rituel du meurtre
Liberté à Brême est "un texte très direct, concis, court", prévient la metteur en scène. Il juxtapose à la manière d'un rituel les scènes de confrontation entre Geesche Gottfried et sa prochaine victime. "Ça éclate à chaque fois". Puis la meurtrière sert du café empoisonné, dans un geste convivial, anodin.
"Geesche Gottfried utilise le poison pour se libérer d'une emprise sociale et matrimoniale contraignante", analyse Denise Carla Haas, en écho à Fassbinder pour qui le meurtre est "une tentative de défense des opprimés". Fidèle à l'auteur, qui n'a pas voulu présenter cette femme en modèle d'émancipation, "je ne l'ai pas mise en scène selon un discours féministe", indique la metteur en scène.
"C'est une femme contrainte par tout un système figé de valeurs morales qui fondent l'ordre bourgeois. Son entourage veut lui dicter sa manière de vivre. Je mets l'accent sur un entourage agressif", annonce Denise Haas. Face à un premier mari violent et violeur, aux humiliations répétées de tous ceux qui ne croient pas en ses capacités à tenir un commerce, Geesche Gottfried réagit. Elle s'affirme. Elle veut gagner sa liberté. Mais la meurtrière ne trouve pas le bon moyen. "Elle n'a pas la parole", analyse Denise Haas. Elle passe à l'acte.
La pièce trouve aussi son actualité dans l'absence de limites et dans l'assouvissement immédiat des désirs de Geesche Gottfried, ce qui n'est pas sans rappeler "nos mécanismes de consommation actuels". La pièce cependant ne justifie ni ne condamne ce geste radical. "Fassbinder ne donne pas de réponse. Chacun doit porter son jugement", explique Denise Haas. Samedi 20h30, Treyvaux, L'Arbanel.
Elisabeth Haas
Tagesanzeiger
05.03.07
Geesche, Gattin eines gutbürgerlichen Bremer Handwerksmeisters, will mehr als nur Hausfrau, Putzfrau und stets verfügbares Sexobjekt für ihren autoritären Mann sein. Ihre Umwelt hält diese Forderung für ebenso unverschämt wie lächerlich. Ein bisschen weisses Pulver aus dem falschen Tiegel beseitigt Geesches familiäres Problem, doch immer wieder bedrohen andere Menschen ihre neue Freiheit, weitere Morde müssen folgen. Den Stoff zu Rainer Werner Fassbienders Stück lieferte ein authentischer Fall der Bremer Stadtgeschichte: Die Bürgersfrau Geesche Gottfried tötete fünfzehn Menschen, darunter ihre Mutter, ihren Vater, ihre Kinder sowie zwei Ehemänner. Sie hatte bei ihren Mitbürgern stets das Ansehen einer ehrbaren Frau genossen, wurde aber schliesslich entlarvt und 1831 bei der letzten öffentlichen Hinrichtung geköpft. (In französischer Sprache)
Theater Winterthur (Einführung 45 Minuten vor Beginn), 19.30.
La Liberté 07.03.2007
La tueuse mesure l'inefficacité des mots avant de passer à l'acte.
Critique. Le Théâtre L. jouait Liberté à Brême de Rainer Fassbinder samedi à L'Arbanel de Treyvaux. Quand une meurtrière est aussi victime.
Dans une affaire de meurtres en série, l'économie de moyens permet une distance salutaire entre le public et la scène. C'est l'option qu'a prise le Théâtre L. Samedi à L'Arbanel de Treyvaux, la compagnie lausannoise a présenté Liberté à Brême, un texte dur, à l'humour noir, du dramaturge et cinéaste allemand Rainer Fassbinder.
Jusqu'au bout, sans effets ni décors sophistiqués, la mise en scène de Denise Haas réussit à captiver. Mis à part quelques longueurs dans le premier tableau, l'intrigue est relancée à chaque scène alors que toutes se répètent selon le même schéma; Geesche se défend face à sa prochaine victime dans une confrontation verbale cruelle et vaine. On la voit glisser, nerveuse et angoissée lors du premier meurtre, dans la routine et la détermination à commettre les suivants. On la voit assumer ses actes. C'est que rien n'est simple dans le drame de Rainer Fassbinder. L'auteur se garde bien de juger. Si Geesche tue, c'est pour lutter contre les humiliations, contre le rôle d'épouse asservie et trompée, celui de mère au foyer. Elle a une dignité, la capacité de mener un commerce. Elle veut le faire savoir. Mais sa parole n'a pas ce pouvoir. Alors elle passe à l'acte.
Inspirée d'un fait divers
Geesche commence par empoisonner un premier mari vil, caricature du macho, un deuxième qui se comporte en goujat avide d'argent, et finit par tuer père et mère. La pièce s'inspire d'un fait divers de 1820. Mais elle pourrait aussi avoir lieu aujourd'hui. Au lieu de montrer - chose impensable - l'assassinat de ses enfants, Denise Haas fait ranger à Geesche leurs jouets en bois. L'ellipse évite l'écueil du réalisme et d'une identification émotive. Le choix de faire jouer plusieurs personnages aux mêmes comédiens - Ariane Christen, Fabien Ballif, Mario Barzaghi, tous excellents - comme celui de porter des vêtements intemporels, contribue à cette prise de distance.
Dans le rôle ambigu de la meurtrière, Magdalena Czartoryjska Meier s'est aussi trouvée une juste retenue: sensible mais sans effusion, résignée mais pas froide, rabaissée et combative, fragile et forte à la fois, seule maîtresse de son corps mais mangeuse d'hommes, toujours humaine, jamais monstrueuse.
Pas féministe, Geesche ne défend pas la cause des femmes. Elle défend uniquement la sienne. Elle veut la liberté pour elle-même. Liberté à Brême c'est aussi l'histoire d'un échec. Geesche ne réussit pas à se libérer d'une morale bourgeoise qui l'a réduit au rang de rien. Le décor noir, la lumière douteuse, la cuisine qui rappelle une cage l'expriment. La seule liberté possible, pour Geesche, est sa propre mort.
Elisabeth Haas