2 x 2 Couples (Urfaust)

de Johann Wolfgang Goethe
Traduction de l'allemand Roger Pillaudin



Jeu
Faust Jacques Maître 
Méphistophélès Frank Semelet
Marguerite Jo Boegli
Marthe/Lisette Sylviane Röösli 

Le musicien sur scène Nicolas Bonstein 



Adaptation et mise en scène Denise Carla Haas
Scénographie et construction Adrien Moretti 
Costumes Tania D'Ambrogio 
Lumière Hans Meier 
Musique Nicolas Bonstein 
Régie et technique Luc-Etienne Gersbach 

Peintre en décor Yangalie Besson 
Assistante technique Virginie Quenet
Collaboration dramaturgique Elias Schafroth 

Photographies de presse et du spectacle Matthieu Gafsou 
Conception graphique et programme « a plus trois » éditions (Jonas Marguet, Corinne Martin & Elias Schafroth)
Administration et communication Line Lanthemann 
Production Le Théâtre L. 



Scène filmée
Caveau Potterat  à Cully
Comédiens Damien Gauthier, François Juillard, Jacques Maître, Ludovic Payet, Camille Perrin, Frank Semelet 
Scénario et réalisation Denise Carla Haas 
Chef opérateur Hans Meier 
Création musicale Nicolas Bonstein 
Montage du film Hans Meier et Denise Carla Haas
Son direct Masaki Hatsui 
Montage et mixage son Jurg Lempen  
Costumes Tania D'Ambrogio 
Décor et accessoires Adrien Moretti 

Dates
Du 21.04.2009 - 10.05.2009 aux Pulloff Théâtres, Lausanne
Le 13.05.2009 au Théâtre du Château, Avenches
Le 16.05.2009 au Théâtre Les Halles, Sierre

Le 01.05.2009, Théâtre Les Halles, Sierre, Conférence: Les mythes de Faust - avec Elias Schafroth et Denise Carla Haas
Aucune oeuvre allemande n'aura autant été citée que le Faust de Goethe. Mais pourtant, à regarder de plus près, le personnage bien connu se dérobe, si bien qu'il faudrait parler de lui au pluriel. Sous différentes formes et versions, les Fausts ont traversé les pays, les siècles et les médias. Un bref voyage à travers l'univers faustien, en texte, film et théâtre.

Subventions
Banque Cantonale Vaudoise
Ernst Göhner Stiftung Zug
Etat de Vaud
Loterie Romande, Lausanne
Loterie Romande, Valais
Pour-cent culturel Migros
Pro Helvetia fondation suisse pour la culture
Stanley Thomas Johnson Foundation


Presse
BabooTime avril 2009

2 x 2 Couples, de Johann Wolfgang Goethe

Du 21 avril au 10 mai 2009



Faust quitte sa bibliothèque pour assouvir sa soif du monde et fait la connaissance de Méphistophélès, Marguerite et Marthe. Le Théâtre L. s'intéresse à une version ancienne du fameux texte de Goethe (le Urfaust) pour évoquer le jeu de miroir des fantasmes du héros trouble de ce mythe.

Pulloff Théâtre, rue de l'Industrie 10, 1005 Lausanne, 20/28 francs, tél. 021 311 44 22, www.theatre-l.ch.




Lausanne-Cités 1er avril 2009

(D)ébats au lit...


Pour fêter son dixième anniversaire, le Théâtre L. présente 2 x 2 Couples (Urfaust), la première esquisse d'un texte clé de la littérature classique allemande, Urfaust de Johann Wolfgang Goethe. Ce spectacle sera présenté aux Pulloff Théâtres du 21 avril au 10.

Ce texte a comme thème clé la perte de l'identité, amenant une identité nouvelle. Il pose avec le personnage de Faust les thèmes de la middle-life crisis et du désir de l'immédiateté sexuelle, de l'homme au milieu de sa vie qui rebondit dans la chair, de l'illusion qu'une sexualité assouvit les désirs, mais au fond, ne fait qu'agrandir sa faim.

Quatre personnes se voient, sont interloquées les unes par les autres, s'intéressent l'autre (surtout physiquement), s'en approchent, se touchent, s'approprient pour un moment ou se laissent aller à l'autre, se perdent ou se trouvent. L'action tourne autour du lit sans qu'il soit pour autant réellement au centre de l'action, il en est le but ultime.

Infos et réservation : 021 311 44 22 ou www.pulloff.ch.




Le Temps 16 avril 2009
2 x 2 Couples (Urfaust)

Jacques Maitre en Faust et Frank Semelet en Méphistophélès.

Rien que pour cette rencontre entre acteurs de haut vol dans des personnages qui se toisent et se défient, « 2 x 2 Couples (Urfaust) » méritera le déplacement. Mais la patte de Denise Carla Haas et la problématique valent elles aussi de s'arrêter sur cette création inspirée d'Urfaust, de Goethe. Pour la troisième fois après « Le Tueur » et « Rapport à une Académie », la metteur en scène étudie la perte d'identité et l'excès, l'orgueil qui peuvent lui être liés. Ici, Faust, en pleine crise de la cinquantaine, se confronte à la perte de saveur de son savoir. Il veut retrouver le chemin de la chair, mais ne fera qu'agrandir sa faim. Confusion de valeurs, de temps et pièges de l'imaginaire tissent cette fable où Sylviane Röösli en Marthe et Jo Boegli en Marguerite, se joignent à ce tourbillon des sens et de la vie.

Pulloff Théâtres, rue de l'Industrie 10. Di à 18h, ma je sa à 19h, me ve à 20h30 du 21 avril au 10 mai. (Loc. 021 311 44 22, www.pulloff.ch).


Marie-Pierre Genecand




24 Heures 22 avril 2009

La quête patiente et inventive de Denise Carla Haas


La metteur en scène présente une nouvelle création au Pulloff de Lausanne.


Elle est grande, mince, fragile en apparence et très déterminée dans les faits. Ses propos l'attestent, son regard le confirme. Denise Carla Haas (née en 1972 à Berne) n'a pas peur de prendre du temps pour monter un spectacle, construire un répertoire et consolider la structure de sa compagnie. "On est habitué depuis quelques années au fast-food dans beaucoup de domaines via Internet et les médias. Dans mon travail, j'aime bien que les couches puissent se superposer les unes sur les autres au fil de ma recherche". Donner du sens et de l'épaisseur à la réflexion. Puis l'incarner sur scène. Avec succès. Depuis dix ans, le Théâtre L. a multiplié les créations de qualité. Une version originale et bouleversante d'« Oh les beaux jours », de Beckett, mais aussi une réalisation tendue de « Liberté à Brême », de Fassbinder, ou encore un « Rapport à une Académie », de Kafka, tout en audaces et subtilités. Les fruits d'un parcours d'apprentissage entre Lausanne, Berne, Zürich, Leipzig, Vienne ou encore Hambourg, où elle fut tour à tour étudiante, comédienne, assistante de mise en scène. Elle a ajouté une autre corde à son arc: écrivain. Son premier récit, « La nuit » , a été publié en 2006, en français comme en allemand. Un second est en route.

Denise Carla Haas fête les dix ans de sa compagnie avec une nouvelle création au Pulloff, « 2 x 2 Couples  (Urfaust) », d'après Goethe, dont la première a eu lieu hier soir. L'histoire de Faust, parti assouvir sa soif du monde, et rencontre Méphistophélès, ainsi que deux femmes. Désir et désillusion s'entrechoquent dans ce jeu brûlant et cruel.

Cette pièce clôt une trilogie axée sur l'identité. Les trois précédents spectacles du Théâtre L. s'articulaient, eux, autour du thème du tueur. « Je trouve très intéressant d'avancer à partir d'une thématique. En Allemagne, beaucoup de directeurs conçoivent leurs saisons ainsi. En Suisse romande, ce sont plutôt les compagnies qui ont cette façon de procéder". L'occasion d'étoffer la recherche et la direction d'auteurs en particulier. Ce travail me remplit de joie », confie Denise Carla Haas, sensible à l'écoute mutuelle, à cet aspect communautaire, sans a priori philosophique ou esthétique. « C'est vrai, je ne suis pas collée à un univers, je laisse venir les choses, tout en étant très précise sur le plateau. Ce doit être mon côté allemand: on me taquine souvent là-dessus! ».


Où voir « 2 x 2 Couples ». Lausanne, Pulloff, jusqu'au 10 mai. Me-ve 20h30; ma-je-sa 19h; di 18h. Loc. 021 311 44 22. Avenches, Théâtre du Château, 13 mai (20h30). Loc. 026 676 99 22. Sierre, Théâtre des Halles, 16 mai (20h30). Location: 027 455 70 30 et www.leshalles-sierre.ch.


Michel Caspary




Le Courrier 29 avril 2009

Une matière brute signée Goethe


Pulloff.
Avec 2 x 2 Couples, le Théâtre L. s'empare à Lausanne d'une oeuvre d'ébauche au rythme impétueux.



Urfaust, ainsi se nomme la première esquisse du Faust de J. W. Goethe, cette oeuvre clé de la littérature allemande qui raconte le pacte qu'un savant, afin de séduire la dénommée Marguerite, passe avec le diable. Restituée dans toute son énergie par le traducteur Roger Pillaudin, la musique textuelle de ce premier jet offre un matériau d'exception à la metteure en scène Denise Carla Haas et au Théâtre L., une compagnie qui fête au Pulloff, à Lausanne, avec son projet titré 2 x 2 Couples (Urfaust), à voir jusqu'au 10 mai, la dixième année d'une riche et intense activité théâtrale.

Des interprètes en phase avec la langue qui les traverse, les mouvements de quatre corps qui tracent, multiplient et décomposent la figure du couple dans une sorte de danse du désir et de la frustration; c'est la question du rythme qui prime à chaque instant. Une impression que vient renforcer le travail du musicien Nicolas Bonstein, qui, installé aux frontières de l'aire de jeu, élabore en live l'univers sonore du spectacle. Cette présence amplifiée, loin de se limiter à un simple accompagnement des scènes, bat au coeur même de leur évolution.

Le niveau de jeu de Frank Semelet, par sa rigueur, sa justesse et son extraordinaire ressort, reste très haut perché durant toute la performance et offre une incarnation à facettes changeantes: qu'il travaille en artisan de la cruauté ou en séducteur attentif et aimable, Méphistophélès se présente toujours comme un fin connaisseur de l'âme humaine, sachant rendre les voies de l'enfer sincèrement désirables.

On regrettera que ses partenaires ne répondent pas toujours à ses signaux avec une intensité comparable. Par moments, la tension baisse, et le cours des événements est alourdi par la systématique des déplacements dans l'espace.

Le spectateur qui aura apprécié les options audacieuses de Rapport à une Académie de F. Kafka, précédente création de la compagnie, sera-t-il déçu par le classicisme de la présente scénographie et de son utilisation? Maglré le pouvoir d'évocation de l'image - une cour stylisée entre deux maisons -, on finit par se fatiguer des perpétuelles manipulations de portes que pratiquent Marguerite et sa voisine de chaque côté de la scène; un effet de symétrie et de répétition qui n'amène pas grande signification. Au final, le questionnement des valeurs proposées par l'oeuvre et leur transposition dans le contexte contemporain reste un peu mince. Par le rythme de la langue, par les accents de fureur et de folie que prennent progressivement les scènes, il semble que la mise en scène accuse avec justesse la perte des repères et la confusion faite entre chair et amour, des troubles qui à travers les personnages touchent encore le spectateur aujourd'hui. Cependant, la lecture de la fable d'origine reste assez littérale. Si à l'époque de Goethe la représentation de la déchéance de Marguerite (contrainte à enfanter hors le sacrement du mariage et finissant arrêtée pour le meurtre de son propre enfant) a pu donner lieu à un débat moral, religieux et social d'une pertinence évidence, elle aurait pu faire ici l'objet d'une actualisation plus radicale.


Pulloff Théâtre, Lausanne, jusqu'au 10 mai. Rés. 021 311 44 22, www.pulloff.ch. Théâtre du Château, Avenches, le 13 mai. Rés. 026 676 99 22, www.avenches.ch. Théâtre les Halles, Sierre, le 16 mai. Rés. 027 455 70 30, www.leshalles-sierre.ch.


Antoinette Rychner




24 Heures 29 avril 2009

Mourir de désir

Denise Carla Haas met en scène « 2 x 2 Couples (Urfaust) » de Geothe au Pulloff.


L'âge venant, Faust (Jacques Maitre) voit ses désirs exploser. Il se cherche une nouvelle identité; il va se faire piéger par ses illusions. Nourri de savoir, mais frustré de chair, le voici qui vire ses livres pour se jeter dans les filets de Méphisto (Frank Semelet), rabatteur aussi malin que cruel. Marguerite (Jo Boegli), aimée, puis délaissée et, finalement, meurtrière de son enfant, va payer cash ses attaches trop sincères avec Faust. Dans un environnement sonore très soigné, mais parfois étouffant, la distribution se démène comme un beau diable pour donner rythme et densité à cette fable infernale. Elle y parvient le plus souvent.


Lausanne, Pulloff, jsqu'au 10 mai. Durée: 1h50. Loc. 021 311 44 22.


Michel Caspary




La Broye 7 mai 2009

Urfaust joué au théâtre


Mercredi 13 mai à 20h30, le Théâtre du Château, à Avenches, reçoit la troupe du Théâtre L. Quatre actrices et acteurs qui serviront admirablement la tragédie de Goethe, Urfaust, mettant en scène deux fois deux couples.

A l'origine du mythe de Faust créé par Goethe, un pari. Terrible. Heinrich Faust est un alchimiste philosophe, scientifique, mais trop vieux pour vivre l'amour ou le plaisir de la chair. C'est pourquoi il accepte les services d'un serviteur diabolique, Méphistophélès, et lui accorde en échange de le servir après sa mort: Faust vend son âme au diable! L'intrigue s'ouvre sur l'évocation de cet accord infernal. Ensuite, nous entrons dans le vif du sujet: parmi toutes les femmes que Méphistophélès "offre" à Faust, celui-ci n'en veut qu'une: Marguerite. La suite est à découvrir mercredi.

Au Théâtre du Château, mercredi 13 mai à 20h30. Réservations au tél. 026 676 99 22.

com/rc


Feuille d'avis d'Avenches mai 2009
Urfaust (2 x 2 Couples) de Goethe. Une mise en scène époustouflante au service d'un mythe. A l'origine du mythe de Faust créé par Goethe (1749-1832), un pari. Terrible. Heinrich Faust est un alchimiste philosophe, scientifique, mais trop vieux pour vivre l'amour ou le plaisir de la chair. C'est pourquoi il accepte les services d'un serviteur diabolique, Méphistophélès, et lui accorde en échange de le servir après sa mort: Faust vend son âme au Diable!

L'intrigue de l'Urfaust présenté par le Théâtre L. mis en scène par Denise Carla Haas s'ouvre sur l'évocation de cet accord infernal. Ensuite, nous entrons dans le vif du sujet: parmi toutes les femmes que Méphistophélès "offre" à Faust, celui-ci n'en veut qu'une: Marguerite. Marguerite l'innocente. Méphisto va séduire Marthe, voisine et entremetteuse, afin de faciliter à Faust la conquête de Marguerite. Le quatuor est ainsi réuni pour le pire. Or, le pire vient de l'amour: Faust tombe sincèrement amoureux de Marguerite, mais va l'utiliser sans en être conscient et sera le créateur de son désastre. Marguerite la pure, dès sa rencontre avec Faust, va accumuler les malheurs: pour ne pas attirer sur elle la honte sociale, elle ira jusqu'à l'infanticide puis sombrera dans la folie. Faust tentera de la sauver, en vain. S'il n'avait pas accepté les services de Méphistophélès, peut-être l'amour aurait-il été possible?

Jo Boeli (Marguerite), Sylviane Röösli (Marthe), Frank Semelet (Méphistophélès) et Jacques Maitre (Faust) servent admirablement cette tragédie en composant une partition puissante, inventive et troublante, aux résonances dramatiques étonnamment contemporaine.

Denise Carla Haas nous a confié, lorsque nous l'avons interrogée sur sa direction d'acteurs: « les comédiens donnent toujours leur meilleur ». Beau témoignage de respect. Si juste en l'occurrence. Du tout grand art, à voir absolument.


Au Théâtre du Château, mercredi 13 mai à 20h30. Réservation au 026 676 99 22. La commission culturelle




Le Nouvelliste 14 mai 2009
Identité


Aux Halles, samedi 16 mai à 20h30, le Théâtre L. présente « 2 x 2 Couples (Urfaust) », de Johann Wolfgang Goethe. Une pièce, mise en scène par Denise Carla Haas, qui a pour thème la perte de l'identité. Le personnage de Faust, en milieu de vie, succombe au désir sexuel immédiat et se fourvoie.


Réservations: 027 455 70 30 et www.leshalles-sierre.ch. Infos: www.theatre-l.ch


« Je voudrais que tes yeux soient des choses qui me touchent la peau. »
Louis Calaferte

Le Théâtre L. fête ses dix ans
Pour fêter notre dixième anniversaire, nous prenons pour point de départ de notre projet 2x2 Couples (Urfaust) la première esquisse d’un texte clé de la littérature classique allemande, Urfaust de Johann Wolfgang Goethe (1749-1832). Comparée à la version finale, à laquelle Goethe avait travaillé durant toute sa vie, elle est plus fragmentaire, mais contient les scènes principales de l’intrigue, sans pour autant les lier par une causalité explicative. Le texte est un fragment, analogue à celui de Woyzeck de Georg Büchner, et laisse une grande liberté de comment raconter l’histoire.
Le texte a, comme celui du Tueur et de Rapport à une Académie, comme thème clé la perte de l’identité, cycle thématique que nous clôturerons avec ce projet. La perte de l’identité amène une identité nouvelle. Faust de Johann Wolfgang Goethe a une connaissance théorique qui ne le satisfait plus. Il est alchimiste philosophe, scientifique, mais trop vieux pour vivre l’amour ou le plaisir de la chair. C’est la raison pour laquelle il accepte les services d’un serviteur apparemment galant, au fond pourtant diabolique, Méphistophélès, et lui accorde en échange de le servir après sa mort, pari que Méphistophélès accepte volontiers, scène qui est pourtant omise dans la première version. Elle est sous-entendue, mais elle n’y figure pas textuellement.
Faust, afin de vivre une expérience pour laquelle il n’a tout simplement pas le courage, se fie à Méphistophélès. Celui-ci lui présentera une femme, Marguerite. Bien sûr, Faust la veut, en tombe même amoureux, l’utilise sans en être conscient et sans le vouloir, car il sera le créateur de son désastre et l’abandonnera faute de ne pouvoir la convaincre de le suivre. Faust se donne entièrement à Marguerite et à l’amour qui le surprend. S’il n’avait pas accepté les services de Méphistophélès, peut-être continuerait-il à l’aimer ?
Le pari rend l’amour impossible. Conclu pour permettre à Faust de faire connaissance des répercussions de la chair, il n’obéit qu’au désir sexuel auquel il succombe, et ceci malgré les vrais sentiments qu’il développe pour Marguerite. Il ne sera pas capable de l’aider. Cette confusion entre chair et amour, entre immédiateté et éternité sera fatale pour Marguerite qui croit trouver en son Heinrich l’homme de sa vie. Contrairement aux espérances de Faust, il développe des sentiments sincères pour elle, bien que leur compréhension du monde soit contradictoire. Elle, pour essayer de se sauver, ne fait qu’accumuler les malheurs qui semblent dès cette rencontre la poursuivre : elle tue par mégarde sa mère, elle tue son enfant pour ne pas être seule avec un enfant et pour ne pas attirer sur elle la honte sociale, et une fois découverte, elle est emprisonnée et condamnée. Bien que Faust tente de la libérer de la prison, elle ne le suit pas. Devenue folle, elle entend toujours les cris de son enfant qui est en train d’être noyé (par elle) et quand il veut l’embrasser, elle voit sur les mains de Faust le sang de l’enfant mort qui les souille. Comme Lady Macbeth, elle se plie à son propre jugement, la folie qui la gagne.
Quant à Faust, il voudrait la sauver, mais il ne le peut pas. Cette volonté n’est pas aidée par celle de Méphistophélès qui dit ne pas avoir d’emprise sur cette ‘âme pure’ et sans son aide, il n’arrive pas à convaincre Marguerite.
Ce texte pose avec le personnage de Faust les thèmes de la ‘midlife-crisis’ et du désir de l’immédiateté sexuelle, de l’homme au milieu de sa vie qui rebondit dans la chair, de l’illusion qu’une sexualité assouvit les désirs, mais au fond, ne fait qu’agrandir sa faim, d’un Méphistophélès qui drague Marthe afin de faciliter à Faust la conquête de Marguerite, d’une Marthe qui se console volontiers de la mort de son mari avec ce beau voyageur et l’aide avec ses charmes à gagner la confiance de Marguerite, à l’opposition d’une Marguerite, qui voudrait trouver l’homme qu’elle aime et qui l’aime, prête à l’attendre, et une fois venu, à tout lui donner, même sa vie.
La quête de Marguerite finit dans un quatuor charnel où elle joue malgré elle l’aimant. Exotique, jeune et vieille en même temps, elle fascine Faust au-delà de sa féminité, par une intégrité corporelle qui le séduit plus que tout autre chose. Autant Faust ne pourrait pas agir sans Méphistophélès, autant Marguerite ne serait accessible aux hommes sans l’entremetteuse Marthe qui se charge de l’exposer. Et vice versa, Méphistophélès s’occupe ensuite de dévier l’attention de Marthe, pour que Faust puisse manigancer avec Marguerite. Et peut-être que Méphistophélès s’est donné beaucoup de peine à faire passer Marguerite juste devant les yeux de Faust que ce qu’il n’avoue, pour que ce dernier puisse la voir et peut-être Marthe aimerait beaucoup mieux passer quelques heures dans les bras de l’homme mûr, Faust, que de se contenter du jeune beau, mais quelque peu superficiel.   

Les Fausts de Goethe    
« Qu'ai je fait? J'ai recueilli, utilisé tout ce que j'ai entendu, observé. Mes oeuvres sont nourries par des milliers d'individus divers, des ignorants et des sages, des gens d'esprit et des sots. L'enfance, l'âge mûr, la vieillesse, tous sont venus m'offrir leurs pensées, leurs facultés, leur manière d'être, j'ai recueilli souvent la moisson que d'autres avaient semée. Mon œuvre est celle d'un être collectif et elle porte le nom de Goethe. »

C'est avec des mots radicalement modernes, dirait-on aujourd'hui, que Goethe décrit sa méthode de travail. L'auteur tire le bilan d'une œuvre qui n'a rien d'une somme totalisante. Bien au contraire, elle s'ouvre au monde au point de renoncer au concept de l'auteur comme son unique créateur. L'être collectif qui s'exprime ainsi a alors 82 ans. On est le 17 février 1832, quelques jours avant la mort de Goethe, et quelques jours après qu'il ait apporté les dernières retouches à la deuxième partie du Faust.
Ce qui est valable pour toutes les oeuvres de Goethe l'est spécialement pour l'oeuvre qu'on dit être celle de sa vie. ‘Faust’ se nourrit d'innombrables sources, connues ou anonymes, et se décline en plusieurs ouvrages profondément marqués par les différences d'âge de leur auteur. Encore enfant, Goethe a rencontré le ‘Doktor Faustus’ au théâtre des marionnettes. Depuis, cette histoire chantonnait et résonnait en lui comme une grande polyphonie, disait-il. On ne peut affirmer avec certitude quand Goethe a commencé à la mettre en vers. Certains chercheurs datent les premiers travaux de 1773, d'autres de 1765, quand Goethe était encore étudiant à Leipzig.
Mais ce n'est qu'en 1790 que paraît finalement Faust. Ein Fragment. Cela ne veut pas dire qu'on ignorait ce texte jusque-là. Régulièrement, Goethe lisait en public des passages de son oeuvre, et n'abandonnera pas cette habitude jusqu'à sa mort. Durant le mois de janvier 1832, l'auteur récitait encore toute la seconde partie du Faust à sa belle fille - une pratique de la lecture à haute voix qui met en évidence l'immense importance des qualités sonores et rythmiques du texte.
« Faust. Ein Fragment » contient déjà le début de la fameuse tragédie de Marguerite, mais pas sa résolution. Même si la scène qui montre la jeune fille aboutir au cachot fait partie des plus anciennes, elle ne paraît pour la première fois qu'en 1808, dans le « Faust. Der Tragödie erster Teil ». Marguerite est enfermée, jugée et aussitôt sauvée par les cieux. Elle ne le fut pas encore dans le « Urfaust ». Cette version du texte n'est cependant pas l'original, comme son nom le suggère. En fait, il s'agit d'une copie établie par Luise von Göchhausen, trouvée en 1887 et publiée aussitôt. Probablement, elle a été écrite en 1777. On ignore totalement si Goethe était au courant de l'entreprise et s'il participait à sa rédaction.
Les différences entre le « Urfaust » et le « Faust I » renvoient en bonne partie à l'évolution artistique de Goethe. Par exemple, la scène de Marguerite au cachot a été conçue probablement sous l'impression presque immédiate de l'exécution de Susanna Margaretha Brandt, jugée en 1771 pour infanticide. Dans le « Urfaust », la scène est encore rédigée en prose. Elle revêt ainsi un caractère documentaire, un naturel intempestif cher au Goethe du Sturm und Drang, mais que l'auteur devenu classique a jugé insupportable par la suite. Pour le « Faust I », Goethe a transposé la scène en vers, la mettant ainsi à distance.
Cette multitude des versions nous force à parler du ‘Faust’ plutôt au pluriel qu'au singulier. Il est lui aussi un être collectif, comme son auteur le disait à son propre sujet. Les ‘Fausts’, dont la genèse s'étale sur 75 ans, forment un ensemble hétéroclite. Ils ne sont pas liés par la progression linéaire d'une histoire, mais par des effets de miroir, de transformations et de variations. Ainsi, le « Urfaust » se lit comme un texte à part entière qui fait écho au « Faust I », en nous présentant un héros qui n'est pas encore désespéré au point de vouloir se suicider, et un Méphistophélès qui n'a nullement besoin de descendre sur terre: il fait partie intégrante du monde ici-bas.
Presque plus radicalement que les premiers Fausts, « Faust. Der Tragödie zweiter Teil » tourne le dos à l'esthétique des trois unités et souligne l'indépendance de ses cinq actes fragmentaires, tout en construisant un système de renvoi d'une rare finesse, variant les motifs jusque dans leur matériel verbal. Faust II ne paraît en intégral qu'en 1833, une année après la mort de son auteur. Goethe s'opposait à une publication de son vivant, craignant l'incompréhension face à l'audace de l'oeuvre.
Même après la parution du « Faust II », l'ensemble des Fausts reste un collectif ouvert à d'autres textes. Parmi eux se trouvent certainement une partie des « Paralipomena », ces fragments de scènes que Goethe a jugés inappropriés à la publication. Y figurent par exemple l'intronisation grotesque de Méphistophélès et la vision fantasmagorique de l'exécution de Marguerite. Les deux épisodes sont tombés sous le coup de l'autocensure de Goethe. Cependant, il les mettait soigneusement de côté, pour les futurs lecteurs.  

La mythologie de Faust  
Pris ensemble, les Fausts de Goethe dépassent de loin les 12'000 vers. Et pourtant, le mythe de Faust ne se réduit aucunement à ce chiffre énorme. Depuis ses origines, de nombreux artistes se sont penchés sur le destin du docteur tenté par le diable. Christopher Marlowe rédigeait la « Tragicall History of D. Faustus » (1590), Lessing des scènes pour une pièce inachevée (entre 1755 – 1775). Il y a le « Faust » de Nikolaus Lenau (1835), conçu en opposition à celui de Goethe, il y a les versions de Heinrich Heine (1851), de Paul Valéry (1940) et de Tomas Mann (1947), ou encore le Méphisto de Klaus Mann (1936). Aux écrivains s'ajoutent les musiciens (Berlioz, Schumann, Liszt), les artistes peintres (Delacroix, Dali) et les cinéastes (Méliès, Murnau, Clair). Evidemment, la liste est loin d'être complète.
Goethe ne s'intéressait pas au Faust historique, né à la fin du 15ème siècle, magicien itinérant et devin, dont Luther aurait dit qu'il avait le diable pour parrain. L'auteur se basait plutôt sur des sources littéraires, à savoir les livres du Faust du 16ème siècle, dont la « Historia von D. Johann Fausten » (1587). Pensée comme un avertissement contre l'ambition sacrilège de s'élever au-delà des limites imposées à l'homme, la Histoira livrait à Goethe matières et personnages. Pourtant, son Faust s'en distingue sur les aspects les plus fondamentaux. Hanté par sa soif de connaissance, le docteur de Goethe sait aussi dès le début que « nous ne pouvons rien connaître ». Le traditionnel pacte avec le diable se transforme en pari dont l'issue est incertaine. Et Marguerite, à l'origine rien qu'un nom évoqué en passant, devient un personnage central de l'intrigue. Pour raconter sa tragédie, Goethe s'est probablement inspiré de Pfizer. Sa version de 1674 contient déjà le récit d'un infanticide qui n'est cependant pas directement lié à la personne de Faust.
En partant de Goethe, Faust est lancé sur une trajectoire qui fera de lui le personnage le plus souvent cité de la littérature allemande. Sa popularité, il la doit à son statut de héros national – un concept bien étrange à Goethe. Dans une conversation avec Eckermann, il proclamait la fin de la littérature nationale au profit de la ‘Weltliteratur’, la littérature du monde.
Au début du 19ème siècle, Schelling déclarait que Faust était le héros principal de la mythologie allemande, le seul à n'appartenir à aucune autre nation. Son caractère serait le produit manifeste de l'esprit allemand. Plus tard, à l'époque de Bismarck et des Guillaumes, le docteur en quête de savoir se métamorphose peu à peu en personnage d'identification pour une Allemagne conquérante et impérialiste. On le retrouve alors dans les sacs à dos des soldats - c'est le premier tome de la ‘Deutsche Kriegerbibliothek’ (1915) -, dans le costume fasciste de l'adaptation de Kurt Engelbrecht (« Faust im Braunhemd », 1933), et encore dans le rôle du héros révolutionnaire des discours de propagande en ex-RDA.
Le « Doktor Faustus » de Thomas Mann et le « Méphisto » de Klaus Mann se lisent comme autant de réflexions critiques sur cette monstrueuse carrière. Elle n'est certainement pas la faute des ‘Fausts’ de Goethe. Dans le célèbre poème « Todesfuge » (1952), Paul Celan pose Margarete la blonde à côté de la juive Sulamith, dont les cheveux foncés tombent déjà en cendres. Une réunion aussi impossible qu’innocente.  

Le quatuor  
Faust est un professeur frustré. Il a consacré toute sa jeunesse à étudier et se trouve au milieu de sa vie face à une crise. Sa mélancolie vire à l'aigreur. Il a des connaissances énormes, mais elles lui semblent un babillage scientifique inutile. Il a le sentiment de n'être qu'un spectateur face à la vie, de ne pas y participer. Sa frustration le fait bouillir, claustrophobe dans son lieu d'étude qu'il nomme son ‘trou à rat’, il sent avoir passé à côté de choses essentielles. Son savoir intellectuel ne semble avoir été qu'un long détour qui ne mène nulle part. Il veut maintenant vivre vraiment. Et vite. Son impatience est l'extrême inverse de la patience et du temps qu'il prit pour l'étude. La quête de la connaissance va se transformer et s'emballer dans un besoin de satisfaction immédiat dont Méphistophélès sera l'instrument.
Dans cette version de Faust, Méphistophélès n'est pas un diable très inquiétant. Lors de la première rencontre avec Marguerite, il est en retrait, c'est Faust qui ordonne: « Je veux cette fille au plus vite ». C'est un petit démon subalterne, un serviteur qui accomplit les désirs de son maître. Le démon, s’il y en a un, c'est Faust lui-même.
Mais le personnage de Méphistophélès, ainsi que celui de la voisine de Marguerite, Marthe, permettent la construction d'une sorte de ronde des sentiments et du pouvoir qui éclaire les enjeux et les contradictions des trajectoires. Ils sont à la fois les rouages et les spectateurs de la descente aux enfers de Marguerite et de la perte de Faust.
Grâce à quelques stratagèmes rapidement mis en place par Méphistophélès et la complaisance de la voisine de Marguerite, les quatre personnages se retrouvent rapidement un soir, à l’abri des regards, sous une tonnelle dans un jardin.
Faust y séduit Marguerite, vante son innocence, son humilité. Elle, timide, impressionnée par l’expérience de cet homme, annonce pourtant déjà l’une des causes de son drame : « Vous ne pensez à moi qu’un instant seulement, et moi j’en aurai tant pour penser à vous, tant. » Dans la conception du monde de Marguerite, l’amour d’un homme est synonyme d’absolu. L’infini et l’éternité sont le couronnement de ses sentiments. Alors que pour Faust, le temps est le vecteur de la quête, toujours renouvelée.
En parallèle, les échos de la conversation entre Marthe et Méphistophélès tournent autour du même sujet, mais traité de manier frivole et légère : Marthe essaie de convaincre Méphistophélès d’arrêter de courir le monde. Il s’agit là aussi de l’opposition entre le mouvement et l’arrêt. Méphistophélès s’en amuse, change de sujet, ironise. Et pendant ce temps, Marguerite, effeuille la fleur éponyme et tombe dans les bras de Faust.
Dès la scène suivante, Marguerite, seule, se sent comme empoisonnée. Elle est entrée dans le tourbillon auquel elle n’échappera plus. Leur prochaine rencontre met en évidence leurs conceptions distinctes du monde : Faust rationnel, elle, confiante dans l’absolu que lui donne sa foi. Mais l’engrenage est lancé, elle passera la nuit avec Faust. La spirale la conduira au meurtre de son enfant et à la solitude. Dans sa tragédie solitaire, elle ne reverra qu’une fois Faust, au fond de son cachot, son esprit entièrement abandonné à la folie.
Et quand Faust, apprenant que Marguerite est en prison, se lamente pris de remords, Méphistophélès lui rétorque : « Pourquoi t’es-tu joint a notre compagnie si tu n’es pas capable de jouer le jeu jusqu’au bout ? Tu veux voler et tu as le vertige ? »
Il n'y a pas place pour l'idylle sentimentale, la précipitation liée au besoin d'absolu de Faust détruit tout sur son passage. Ce sera la perte de Marguerite. Tandis que Marthe et Méphistophélès, jouant le jeu de la séduction de manière légère et ironique, ne perdent pas leurs plumes à ce jeu-là. 

La tragédie de Marguerite    
Marguerite, pauvre ingénue, séduite et délaissée. Mais aussi Marguerite meurtrière, dont la notion d'absolu n'est pas qu’un reste de catéchisme ânonné pendant des années. Elle ira jusqu'au bout de ses convictions. Jusqu'à la folie. Sa tragédie ne se résume pas au drame de la jeune fille trop naïve qui se fait avoir. Elle n’est pas, au contraire des femmes que croise Dom Juan sur sa route, une parmi la multitude. Elle n’est pas utilisée uniquement pour être abandonnée, pour passer à la suivante, à une prise plus difficile.
Il y a entre elle et Faust deux conceptions du monde opposées. Elle va au bout de sa conception de l’amour, rien ne l’arrête, ni les crimes ni la pression morale de la société qui l’entoure. Elle a attendu ce moment, il lui tombe dessus, la fuite est impensable. Même si la douleur est présente dès la suite de la première rencontre :

« Mon cœur est lourd 
Et de paix plus je n’ai
Plus jamais n’en aurai
Plus jamais. »

Dans « Démons », pièce du dramaturge suédois contemporain Lars Noren, une femme, Katerina, se démène impuissante dans les mêmes filets. « Je veux fuir en arrière…où ? …vers toi… » Ici, la fuite est envisagée, mais impossible, elle amène au même point. La trajectoire de Marguerite ouvre une réflexion sur la vie, son déroulement, son utilité, le temps d’avant et d’après, la quête désespérée de l’amour, sur la mort, son sens.  

Les rythmes de Faust
« I cannot heave my heart into my mouth », répond Cordelia au roi Lear, exprimant ainsi l'impossibilité d'articuler ce que le cœur ressent. Le sentiment inexprimable constitue une référence littéraire à laquelle le discours de Faust se rapporte volontiers: « Le sentiment est tout, le nom n'est que bruit, que fumée ». Questionné par Marguerite sur son amour de Dieu, et - par inclusion - sur son amour pour elle, Faust déclare que toute parole est vaine. Car celui qui aime comme lui aime a déjà répondu à la question, sans y répondre par des mots.
C'est dans des vers libérés de toute métrique régulière que Faust fait cette déclaration, ardente et pleine d'entrain. Ce qu'il ne peut pas dire par des mots se fait entendre au-delà des mots. Dans le Urfaust, l'amour est avant tout une affaire de rythme. Il rend l'indicible sensible. On le devine alors dans la mesure symétrique des vers, lors d'une promenade des amoureux. On l'entrevoit dans l'alexandrin, petite coquetterie d'une jeune fille bourgeoise qui répond aux avances de son cavalier. Et on le pressent dans la rime de l'amant qui apaise les craintes de son aimée: « Mais mère a le sommeil léger, Si nous étions surpris par elle, Oh! j'en mourrais à l'instant même! » - « O mon ange ta crainte est vaine », répond Faust à Marguerite, en lui passant la potion soporifique qui s'avérera mortelle.
Goethe se sert d'une multitude de systèmes métriques pour caractériser ses personnages, leurs rôles et leurs intentions. Mais l'emploi significatif que l'auteur fait du rythme ne se réduit nullement au domaine du langage. Le tempo des scènes et de leur suite en fait tout autant partie. Il augmente brusquement, lorsque le destin de Marguerite s'assombrit. Un accelerando bien plus éloquent que l'auraient pu être les temps forts de l'intrigue, passés volontairement sous silence.
Finalement, le rythme prend aussi une dimension spatiale, à travers une magnifique chorégraphie qui voit les couples Marguerite/Faust et Marthe/Méphistophélès se succéder l'un à l'autre dans un mouvement de va-et-vient. Passant ainsi devant le public, ils ouvrent le bal de la ronde amoureuse. « Ainsi va le monde !», commente Méphistophélès. 

Intentions de mise en scène  
L’Espace clé: le lit

Quatre personnes se voient, sont interloquées les unes par les autres, s’intéressent à l’autre - surtout physiquement - s’en approchent, se touchent, s’approprient pour un moment ou se laissent aller à l’autre, se perdent ou se trouvent.
L’action tourne autour du lit sans qu’il soit pour autant réellement au centre de l’action, il en est le but ultime.
Le lit, endroit de l’échange de la chair portée par les sentiments, auxquels nous donnons délibérément le nom de l’amour, ou tout simplement satisfaction immédiate de la chair, sexualité partagée avec des partenaires plus ou moins connus. Au lieu d’aigrir dans son propre coin, le lit réunit ses deux extrêmes si difficiles à concilier, car pour chacun d’entre nous, ils signifient autre chose.
Toutes les rencontres dans Urfaust, tournent autour du meuble initial : le lit.
Lieu de la procréation, de la naissance, lieu de l’amour et lieu de l’heure ultime : la mort. Le lit est l’endroit des moments clés de la vie que nous vivons seul, la naissance et la mort, et celui des moments en apparence partagés avec un partenaire sexuel ou de vie. Par ailleurs, il est l’endroit de nos rêves, le lieu de la détente et le lieu de l’intimité solitaire ou à deux. Partager le lit, même si ce n’est que pour une nuit, est bien plus que manger ensemble, parfois l’étape qui précède la rencontre des corps. Le lit noue en lui seul tous ces chemins fondamentaux qui traversent notre vie, et le lieu apparemment banal se révèle être bien plus fondamental qu’il ne le semblait et tire à la lumière ou dans l’obscurité nos relations intimes.
Quatre constellations se forment, se dissolvent l’une après l’autre. Faust se lie à Méphistophélès pour atteindre ses buts : trouver une fille pour découvrir les moments de la chair. Marguerite cherche le conseil de sa voisine qui semble plus ouverte sur le monde que sa mère et celle-ci l’aide à s’y jeter, mais sera également la porte d’entrée de sa perte. Méphistophélès charme la voisine de Marguerite, Marthe, afin de pouvoir organiser une deuxième, voire d’autres rencontres entre Faust et Marguerite. La première a soit eu lieu spontanément, et par conséquent enlève ainsi un peu au diabolique compagnon de Faust, soit elle a été soigneusement organisée par lui pour guider Faust sur le chemin de son corps qu’il ne semble que découvrir maintenant. Il serait plus intéressant de montrer que Faust ne s’intéresse pas du tout aux jolies jeunes filles que Méphistophélès lui présente comme un pote, mais quand il voit Marguerite, et écoute pour la première fois son corps qui lui parle ou qu’il se permet d’entendre, ses sens lui donnent ses envols. Ainsi, le pari, malheureusement déjà fait entre les deux hommes, s’avèrerait ne pas être nécessaire, car Faust, comme tout être humain, est bien capable de rencontrer quelqu’un qui lui plaît et le couple fraîchement formé pourrait, si ce pari n’avait pas eu lieu, vivre son histoire tranquillement.
Mais l’histoire est biaisée dès le départ, elle n’est pas seulement la leur, car elle devient pour Méphistophélès le champs d’étude de l’être humain, un domaine d’expérimentation des sentiments et du mal. Celui-ci ne se soucie guère des conséquences des actes et jettera sans scrupules les dépouilles de Marguerite, devenue folle après ce qui avait été dit et fait. A l’opposition de cette attitude de manque de solidarité et surtout de compassion, Faust souffre, ne sait comment l’aider, car toute aide vient trop tard. Quand il retourne la voir en prison, quand il veut la sauver, c’est trop tard, elle est déjà folle et ne le reconnaît plus.
Le lit devient pour Marguerite le lieu fatal, celui de ses heures de plaisir et celui de l’endroit où elle donne naissance à un enfant illégitime, dont le père ne se soucie pas ou ne veut pas, peu importe. L’ignorance du père, le scandale de l’époque, est sa source de désespoir, son sentiment d’abandon et de solitude devant lequel elle n’a apparemment que l’issue de se sauver dans la folie l’éloigne de la rude réalité des conséquences de leurs actes qu’elle porte seule.
Quand Faust arrive dans la prison, gît à côté d’elle dans la paille pour essayer en vain de la convaincre de fuir avec lui, les jeux sont faits, elle ne pourra plus ni l’écouter, ni lui faire confiance. Elle le reconnaît à peine et renoncera définitivement à la fuite quand elle aperçoit derrière son amant, Faust, Méphistophélès, l’image qui lui glace le sang.  

Faust, un homme au milieu de sa vie, Marguerite, une femme qui s’est épargnée et qui attend
La pièce Faust est avant tout l’intrigue de Marguerite, jeune femme qui a attendu l’homme qu’elle aime et qui le trouve en Faust. Normalement jeune, naïve, blonde, sans expérience de vie, elle succombe presque plus au charme des bijoux que son prétendant lui offre qu’à ceux de l’homme lui-même.
Contrairement à cette image de la femme facile à charmer par sa jeunesse et son manque d’expérience, j’aimerais la montrer plus mûre, au milieu de sa vie, toujours belle, elle attire le regard et le corps de Faust pour d’autres raisons. Il la veut. Immédiatement. Ce serait le coup de foudre si on pouvait penser que Méphistophélès n’ait pas arrangé secrètement cette rencontre fatale. Marguerite attend toujours l’homme qui lui ferait perdre son cœur. Au début, elle fait semblant de ne pas vouloir de Faust, et surtout de ce qui vient de lui, des bijoux de comtesse et, du coup, par calcul ou par fatalité, l’attention bénéfique qui fait tristement défaut à sa vie de travailleuse la gagne et la précipite dans les méandres de la vie.
Faust, qui ne veut au départ que faire l’expérience de la chair, la veut entièrement et tout de suite. Méphistophélès le calme et le rappelle à la patience qui portera ses fruits, non seulement avec le résultat que Faust puisse réellement s’approcher de Marguerite, mais qu’elle le veuille à son tour, qu’elle le désire autant que lui et qu’il ne s’agit plus uniquement d’un consentement de sa part, mais d’un désir réciproque qui s’éveille autant en elle qu’en lui, et les consume chacun à sa manière. Et ainsi, Faust ne se contentera pas non plus seulement de la chair, il la veut, veut la garder, malgré leurs différences et les moqueries d’un Méphistophélès qui peut-être ignore l’amour ou est dépourvu de morale quelconque et s’en fiche de ce qui advient aux êtres humains après leurs débauches.
Marguerite, peut-être de temps en temps accoutumée à la rencontre de la chair avec des hommes, perdra son cœur avec Faust. Faust, qui par-dessus sa volonté d’éprouver les délices de la chair tombera amoureux d’elle, perdra le sien.
Faust est un homme dans la quarantaine qui n’a fait qu’étudier, travailler, penser et semble vivre dans son corps comme si c’était une carcasse inconnue de lui. Peut-être la fuit-il. Peut-être lui est-elle trop dangereuse, car il ne pourrait pas saisir ce que les répercussions du désir charnel feraient en lui. Un homme vierge de l’amour qui ne rêve à rien d’autre que de rencontrer une fille qui veut de lui. Son corps ne va pas de pair avec sa pensée. Arrivé à la quarantaine, dans notre version, il constate que le désir est étouffé par les activités auxquelles il avait toujours donné une importance primordiale, les sent s’éteindre et devenir inutiles. Il lui reste d’expérimenter l’inconnu, son corps, les sentiments, la part de lui-même qu’il avait rangée derrière sa tête afin de la faire taire.

Les serviteurs

Méphistophélès et Marthe ne sont pas des diables, ils ne veulent pas le mal de Faust et de Marguerite, ils ne veulent pas leur perte, mais l’induisent en ne s’intéressant que moyennement au sort de leurs collègues, et restent avec eux tant que leurs désirs sont assouvis et tant qu’ils arrivent à leurs fins. Ils se donnent en serviteurs, alors qu’ils voudraient profiter de leur vie et faire profiter de la leur Faust et Marguerite. Mais ces deux sont différemment calés, pensent peut-être moins en termes de profit et de succès, mais sondent dans les profondeurs de leur chair, cherchent à capter les vagues de leur désir, les mots pour dire l’amour pour Marguerite et les sensations à éprouver pour Faust et seraient prêts à tout pour le vivre.
Méphistophélès est dans une version plus moderne moins diabolique que Goethe ne l’a écrit dans la version finale de Faust, mais égoïstement centré sur ses propres plaisirs tout en prétendant faire profiter Faust de sa vie, à se gaver savoureusement de toute la nourriture qui traîne et à se goinfrer pêle-mêle de viande et de gâteaux. Une petite escapade dans le lit de Marthe laisse flotter pour un moment un sourire narquois sur son visage face aux orages et tempêtes qui se préparent entre Marguerite et Faust.
Il n’est pas sûr qu’il arrange la rencontre de Faust et de Marguerite, mais quand la rencontre a lieu, il est là, et les observe. Il est le témoin muet de leur drame et vit par procuration les joies et les malheurs des autres et ce serait peut-être l’étrangéisation de sa propre vie qui pourrait être lue à la longue et par l’accumulation des situations comme un trait diabolique. Il est celui qui ne se mêle pas, mais qui s’intéresse à tout le monde avec une curiosité apparemment honnête qui s’avère à la longue impossible d’être toujours partout la même et trahit ainsi sa fausseté. Il en résulte que son personnage est plutôt touchant au prime abord, peut-être un peu maladroit, ou trop lisse, mais en aucun cas machiavélique ou méchant, diabolique ou pervers. Son diable, s’il y en a eu, se dévoilera à la longue, à l’envers, dans une écoute qui se dégonfle, un sourire qui se fige, une présence qui n’est pas solidaire, mais semble s’estomper quand quelqu’un fait appel à lui.
Marthe, elle, femme touchante qui apprend la mort de son mari par Méphistophélès, le pleure, certes, mais ne déprimera pas longtemps pour autant. Elle est la plaque tournante qui ouvre les portes : à Marguerite celle sur le monde, à Faust celle pour Marguerite et à Méphistophélès la sienne. Jeune femme éprouvée par le destin, elle n’hésitera pas à saisir l’occasion de vivre. Rien ne l’arrête et cette soif démesurée, ce plaisir de la vie ou la croyance ferme en la vie, fait d’elle une femme délibérément sensuelle, vivant un érotisme attrayant, non seulement pour Marguerite, mais pour qui la voit. Marguerite, par contre, est plus refermée, plus secrète, plus hostile aux plaisirs légers de la chair, pensée fondée peut-être sur une croyance inébranlable ou sur une morale chrétienne qui la menace des conséquences.
Marthe, épicurienne comme Méphistophélès, représente contrairement à l’homme mûr dans la ‘midlife-crisis’, Faust, et la femme indépendante et solitaire, Marguerite, la joyeuse adonnée à la vie, sans se soucier des jours à venir. Elle vit dans l’immédiateté de la vie, prend ce qu’elle lui offre et ce qu’elle lui réserve, surmonte rapidement les peines, peut-être les fuit-elle plutôt que de les digérer, adonnée à la quête du plaisir, immédiat, total, seule conviction et croyance, le maintenant et l’ici. 

Le texte et la gestuelle
La force du texte est portée par le vers, par moments par la prose libre, mais toujours rythmée, le langage modulé nourrit une poésie du dire.
Le Urfaust annonce à la fois la richesse multiple et sphérique à venir, mais le fragment encore relativement brut esquisse déjà dans l’essentiel le désastre qui est celui de Faust et de Marguerite.
Le langage est direct, sans enjolivement, les scènes sont juxtaposées et manquent encore souvent de liens argumentatifs et explicatifs. Ainsi, le pari est omis, mais dès la scène dans la cave d’Auerbach à Leipzig, le couple Faust et Méphistophélès apparaît ensemble sans qu’on sache pour autant quels liens les unissent. Egalement plus tard, la scène de la promenade à quatre est immédiatement suivie de la scène d’échange de baisers, et il est à définir combien de temps s’est écoulé entre la première approche et la rencontre corporelle : quelques heures, quelques jours, quelques mois. D’après le temps omis par les ellipses, la charge dramatique diffère et peut être accentuée et, comme nous le désirons, modernisée. Ni l’acte sexuel, ni le meurtre de la mère et de l’enfant, ni la condamnation de Marguerite ne sont montrés. Les scènes se cavalcadent et s’élancent bien au-delà du niveau atteint par la précédente, comme il se le doit dans les pièces classiques. Ce squelette textuel relativement ouvert nous permet de donner aux personnages une gestuelle d’aujourd’hui et de raconter cette vieille histoire en l’attirant vers et à nous.
La quête de la sexualité est un vieux thème, peut-être encore plus accentuée et socialisée aujourd’hui qu’à des époques où les ébats corporels étaient plus volontairement tus. Au niveau de la gestuelle, il m’intéresse de trouver des personnages et des situations d’aujourd’hui. J’aimerais mettre dans la lumière la légèreté du couple Marthe et Méphistophélès qui se frotte contre la quête plus acharnée du deuxième couple, Marguerite et Faust, sans juger ni l’un ni l’autre des deux modes de vivre l’amour ou le corps, mais j’aimerais les juxtaposer, les exposer, mettre à nu leur fonctionnement et leurs conséquences.
Le texte, une sculpture buccale à faire sonner dans cet univers dont l’essence nous est familier, crée la distance ou le degré d’élévation. Le noyau de l’histoire ne change qu’en apparence aujourd’hui, le fond reste le même.
Ainsi, les quatre personnages évoluent simplement, leur corps dénués de toute charge classique, dans un espace moderne.
Le drame de Marguerite se joue au-deçà des contraintes sociales bien plus en elle-même, la honte de ne pas réussir, la honte de ne pas faire comme il faudrait, la honte d’être à côté, de s’être trompée sur l’homme avec qui elle enfante. C’est plus sa propre barre qui la condamne à corriger son sort, ses valeurs légèrement tordues, se situant entre mysticisme et christianisme déviés à sa guise, où se loge son drame que Faust, à l’opposé de ce qu’il lui faudrait, ne fait qu’alimenter. Marguerite, peut-être maintes fois, peut-être juste une seule fois déçue, voudrait pouvoir croire les belles paroles de son prétendant, vivre la vie qui lui semble à travers les lunettes de vue de Marthe si belle, si simple, si pleine et proche à ne saisir que par les mains qu’elle tend.
Faust, lui, est plutôt le scientifique avare des mots qui le concerneraient, et même s’ils sont censés capter les sentiments, il en ignore tout. Le corps édicte ses lois dès que le cœur est ému et agit complètement indépendamment de la tête, régi par des principes dont aucune règle, aucune métaphysique n’a encore réussi à parler, celle qui réunit les paradoxes, les contradictions et unit la différence. Faust avance comme un aveugle de son cœur dont il entend les répercussions et apprend à les lire. Il est la bête lâchée, incapable de mesurer ses actes, bouleversée par les hauts et les bas du cheminement de son corps et de son cœur dont il n’arrive pas toujours à faire la part des choses. Un peu simple dans l’interprétation des signes que lui donne Marguerite, il se perd dans la chair, la méprend pour des sentiments et une fois que les sentiments le tracassent, il est trop tard. Marguerite a déjà tout perdu, par-dessus son esprit, sa volonté de vivre.
Le corps raconte ce que le texte tait : une intimité sensuelle ou sexuelle. Le but requis ou le but atteint.

La modernité, l’immédiateté, le désir
Urfaust de Goethe se conjugue selon le désir ou l’amour, thèmes sans âge qui accompagnent l’homme plus ou moins consciemment. Dans un univers sexué, moderne dans le sens que cette quête fait l’objet de la vie et n’est plus repue ou cachée derrière la religion ou une autre pensée forte, cette histoire rencontre un abyssal développement pour qui cherche autre chose, soit dans l’acharnement – ce serait plutôt Faust – soit dans le renoncement ou l’attente – ce serait Marguerite.
Méphistophélès et Marthe représenteraient la plaque tournante de l’immédiateté, de l’échange sans plus grave conséquence, mais sans réel échange non plus. Quelques constellations du vide qui semblent à la surface encore un peu originelles et pigmentées, mais qui au fond sont des carcasses vides, telles des poupées gonflables, utiles à assouvir le désir solitaire d’un homme pour être jetées par la suite. Une grammaire des corps, à la longue répétitive et ennuyante, comme la pornographie qui n’est qu’un schéma superficiel du désir et du sexe, mécaniquement entretenu par quelques manipulations et quelques scènes de scénarii bien entretenues, au fond toujours les mêmes, qui sans les sentiments ou le don du geste se révèlent vides de sens et ne nourrissent guère.
C’est également l’immédiateté de la satisfaction, tellement connue par la consommation journalière, au-dessus de nos moyens, qui nous rassure dans l’existence de moins en moins peuplée de valeurs sûres, dénuée de certitudes et d’assurances, que ce soit au niveau des relations personnelles ou professionnelles. L’être humain semble être capable de faire ce qui lui plaît, théoriquement de tout faire, toutes les portes lui sont ouvertes et dans cette ouverture, il se perd paradoxalement, titube, chancelle, hésite, attend, s’arrête et finit par ne pas faire grand-chose. L’immédiateté agrandit la faim et repousse les buts plus lointains, ceux qui vaudraient peut-être la peine d’être poursuivis. La vie semble nourrie de faits divers, de catastrophes, d’horreurs et l’être humain qui croirait ces nouvelles qui tombent à chaque seconde, finirait par ne plus bouger, anéanti par le poids des événements qui l’enterrent sous la croûte des désastres et d’autrui.
Faust en ressort. Il se met à vivre par lui-même. Mais il est un élève qui apprend et il fait des faux pas. Marguerite cherche la vie, une mère-enfant pour sa demi-sœur décédée, elle semble avoir sauté l’étape de l’apprentissage et la connaissance de son propre cœur. Une observatrice patiente, elle attend de vivre elle-même, peut-être de rattraper un épisode, mais démunie d’expériences, elle a de la peine à évaluer ce qui lui arrive. Trop hésitante au début, elle se jette par la suite dans les bras de Faust, l’élève au-dessus de toute autre valeur, place l’homme au centre de son monde et semble ne plus voir que lui.
Marthe et Méphistophélès se lassent l’un de l’autre, se lassent même de regarder Faust et Marguerite et développent une sorte de mépris pour l’autre et pour la vie elle-même.

La perte
Les quatre personnages se perdent. Et Marguerite, par-dessus tout perd la raison. Son rêve, qui a été le sien, aussi court qu’il ait été, lui coûte la vie. Aussi longtemps elle a attendu pour se jeter dans le fleuve de la vie, aussi entièrement elle se laisse porter par lui et se consumer selon des lois qui lui sont et lui resteront étrangères. Elle va au bout.
Egalement Faust dont on ignore le destin final dans l’existence au-delà de la mort, en tant que serviteur de Méphistophélès.
Méphistophélès ainsi que Marthe perdent le contrôle de leurs démarches.  

Scénographie  
Un espace de passage. Une entrée d’immeuble, une cour intérieure, des escaliers, des portes d’appartements. Peut-être une cour intérieure d’immeuble ou les escaliers d’un bâtiment d’habitation. Portes qui amènent à des espaces cachés derrière d’autres portes. Un espace qui permet l’échange et une certaine intimité, sans pour autant être un espace intime tel que la chambre à coucher où il y aurait un lit, mais peut-être y a-t-il un banc, des chaises, signes d’intérieur, qui parlent de l’intimité toujours possible partout. Peut-être des escaliers. Les lieux de fuite pour quiconque qui ne peut vivre son intimité à la maison, tel les adolescents, ou les prostituées qui ne peuvent pas se payer une chambre, et qui n’a pas d’alternative pour aller ailleurs. Lumière réglée par la minuterie ou les fenêtres autour. Bruits et pas qu’on entend provenant des autres appartements. Menace d’être dérangés, de devoir trouver un autre coin tranquille. Instabilité des rencontres. En aucun cas, un intérieur. Marthe pourrait ouvrir la porte et faire entrevoir son royaume, mais pas plus. Les informations essentielles sont reçues au seuil de la porte, entre intérieur et extérieur, l’espace, un non-espace, moitié privé, moitié public.  

Musique  
La musique. Moderne. Sons. Souvent loin d’une chanson, d’un développement. Sons répétitifs. Electroniques. Rythmiques. Parfois assourdissants. Un univers moderne de hip pop et de rap, de house ou de hard rock. Formes qui tentent de dire la rage et la déperdition de valeurs, afin de cerner à quoi on pourrait encore se tenir. Violence contenue dans l’univers sonore, et du coup changement dans une tendresse mélodique, kitsch, simple, proche d’un grand thème classique et d’un tube qui ne sort plus des oreilles. L’immédiateté, la superficialité, le manque d’échange représenté d’un côté dans la musique, et de l’autre côté, la musique est l’éternel arme du rythme qui saisit même dans la pauvreté un état indicible en mots.

Maquillage
Il sert à se mettre en scène, à se montrer. Plus encore les bijoux. La parure. C’est un signe d’attirance. Pour les femmes les lèvres rouges font partie de la grammaire des corps selon laquelle Marthe et Méphistophélès agissent. Marguerite, elle, imite cette grammaire, bien qu’elle se trompe de langage. Faust, lui, n’a besoin de rien. Ni Méphistophélès qui entretient peut-être sa peau avec une crème hydratante et la lueur de ses yeux par le soulignement subtil d’un trait de Kôhl ce que lui vaut un regard rassurant dans toutes les glaces devant lesquelles il passe.

Costumes
Marthe en petite jupe, blouse étroite, peut-être des bottes, couleurs pétantes. Marguerite, fille de fleurs, vêtements sans âge, motifs de fleurs. Méphistophélès en costume sobre, plutôt sombre, bleu foncé ou gris foncé. Faust, un costume de velours côtelé, couleur nature, beige, brun ou vert foncé.  

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